Samedi matin, 14 janvier, une ample majorité des coopérateurs de la banque NewB a décidé la cession des activités bancaires de la coopérative. Cela s’est fait à la banque commerciale flamande VDK. Cette décision clôture une décennie d'espoirs d'une partie du mouvement syndical ainsi que celui des coopératives qui espéraient construire une alternative éthique aux banques qui furent responsables de la crise économique de 2008.

Un jour après cette annonce, l'UCLouvain et les investisseurs publics bruxellois (Finance&Invest Brussels) et wallon (W.Alter) ont décidé de demander le remboursement de leurs parts dans NewB. En effet, Les deux organismes publics avaient annoncé fin 2021, lors d'une levée de fonds qui avait permis à NewB de récolter 35 millions d'euros, qu’ils réalisaient un investissement pouvant aller jusqu'à un million d'euros. Quant à l'UCLouvain, son apport dans NewB, alors consenti conjointement avec l'UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles, atteignait 200.000 euros. Ces annonces de demandes de remboursement ouvrent le chemin pour un effet boule de neige chez les petits investisseurs et coopérateurs qui avaient eux aussi cru en la possibilité de construire 'la banque alternative'. Selon La Libre Belgique, l'Université Libre de Bruxelles pourrait aussi très prochainement se retirer de la coopérative.

Après avoir perdu sa licence bancaire en octobre 2022, faute d'avoir pu lever les 40 millions d'euros supplémentaires exigés par la Banque nationale, NewB a conclu un rapprochement avec la banque VDK, dont le siège se situe à Gand. De ce fait NewB avait entamé petit à petit son démantèlement.

La banque commerciale VDK fut en son temps un essai du mouvement syndicale chrétien de construire sa propre banque. En effet, en 1926, la Volksspaarwezen crée un système public d'épargne à Gand. Ce réseau public d’épargne fût créé par des travailleurs, dont des enseignants et des employés, qui géraient l'agence en parallèle de leur travail. Progressivement, un réseau d'agences s'est formé et a évolué pour devenir une caisse d'épargne. En 1980, la VDK Spaarbank rachète l'ancien garage Ford de la Sint-Michielsplein à Gand à la famille Vandersmissen. Elle y installe son siège social en 1984. En 1993 elle change son nom en BACOB, et se développe pour devenir la société commerciale Artesia Banking Corporation, mais est ensuite absorbée par la banque franco-belge Dexia aux alentours de l'an 2000. Finalement NewB va devenir l'aile francophone de la flamande VDK.

Le projet NewB débute en 2011, suite de la crise bancaire et financière de l'automne 2008, à l’initiative de 24 organisations rassemblées autour d'un projet de banque éthique et durable. Entre les 24 institutions on trouvait plusieurs syndicats, Oxfam, 11.11.11, etc. Par la suite plusieurs autres organisations les ont rejoints comme le Gresea, la JOC etc. La fin de ce projet de banque éthique et durable n’aura pourtant été possible que par une quantité considérable d’'énergie, d’espoirs et l'argent qu’auront fourni pas mal d'entre eux et cela pendant plus de 10 ans.

Le mouvement ouvrier et le mouvement associatif devraient tirer quelques leçons de cette défaite. Nous voulons contribuer à une discussion sur la construction des alternatives viables dans le capitalisme, mais l'économie coopérative, conçue comme un moyen de supprimer le capitalisme, a eu, historiquement, l'effet contraire et c’est tout le mouvement ouvrier qui a été affecté par la mentalité et les pratiques capitalistes. Dans le cas de la NewB, la coopérative n’avait même pas l’esprit de supprimer le capitalisme et il n’arrivera même pas à rentrer dans les pages de l’histoire du mouvement ouvrier. Il faut être honnête avec soi-même, soit on construit des alternatives qui ont comme objectif la sortie de ce système économique de manière explicite soit on va gâcher le temps et l’argent de milliers de personnes.

Il y a trois ans on écrivait « Il serait bien plus profitable de lutter pour l'expropriation de la propriété capitaliste et de la remplacer par une économie démocratiquement planifiée et nationalisée. Les grands leviers de l'économie seraient alors en possession de l'ensemble de la société, en particulier de la classe ouvrière. Les entreprises seraient, elles, sous le contrôle des travailleurs et sous la gestion de leur propre personnel, mais également sous le contrôle de la majorité de la population à travers un plan central. Les excédents pourraient ainsi être dépensés dans les besoins et intérêts que la société déterminerait collectivement et ce de façon démocratique. »

Il est vrai que l’on pourrait dire que ce projet était un rêve car notre proposition, dans la forme qu’elle a prise, n’était pas réaliste. Le réalisme des dirigeants syndicaux de nos pays ont poussé plus de 70 000 personnes à donner leur épargne à une banque commerciale flamande, peut-être éthique mais commerciale quand même. La preuve en est qu’un Bostoen, actionnaire important et directeur de la banque très peu « éthique », la KBC ai pu entrer sans difficulté dans le capital de la VDK. Le bilan de cette décennie : on est toujours aussi loin de la possibilité d’une banque publique sous contrôle des travailleurs qu’il y a dix ans. Dans ce sens, il aurait été bien plus utile de continuer à soutenir la campagne « Belfius est à nous ! » et faire de la nationalisation de cette banque (sauvée avec de l’argent public et puis rendu au privé) et le contrôle démocratique de celle-ci, le combat politique du mouvement ouvrier belge. Luttons pour que la prochaine fois, une logique réellement anticapitaliste inspire les initiatives des directions syndicales. Cela nécessitera un renforcement significatif des idées marxistes au sein du mouvement ouvrier.

 

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