Nous vivons un tournant décisif dans l'histoire. En un rien de temps, la crise sanitaire a porté un coup terrible à l'ensemble de l'économie mondiale.

Aucune comparaison ne peut être faite avec des événements antérieurs, sauf peut-être avec la Mort Noire (la peste) au XIVe siècle. Cette épidémie s’était alors rapidement étendue à toute l’Europe et a tué un tiers de la population. Des bouleversements sociaux, économiques et religieux s’en sont suivi, marquant fortement l’histoire du continent. D’après l’historien Philip Ziegler : « la Mort Noire, bien que n’étant pas la seule cause, a contribué grandement par l’angoisse et les perturbations, à la désintégration d’une époque ». La société féodale agonisant, l’épidémie a précipité sa chute définitive. Pour l’instant le COVID-19 n’a pas causé autant de morts que la peste. Mais ses effets sont déjà considérables.

La Banque d'Angleterre a récemment déclaré qu'il s'agira de la crise la plus profonde depuis 300 ans. Tous les processus présents avant le coronavirus à l’intérieur du capitalisme (c'est-à-dire, la multitude de crises - économiques, politiques, militaires, sociales, climatiques, etc.) vont s’accélérer. Cela a aussi également un effet radicalisant sur la conscience de la classe ouvrière, de la jeunesse et de toutes les autres couches opprimées.

Récession sans pareil

Le virus est le catalyseur d’une récession économique qui touche simultanément presque tous les pays de la planète. Il s'agit véritablement d'une « crise mondiale », unique dans l'histoire. L'épidémie n'est pas en soi la cause de la crise économique. Des mois avant la pandémie, il  était déjà question d’une récession. Le virus a accéléré, approfondi et compliqué tous les phénomènes déjà présents...

La crise sanitaire a démontré l'incompétence de l’économie de marché aux yeux de millions de personnes. Le capitalisme est clairement incapable d'apporter des solutions aux problèmes de vie et de mort.

Huit mois après l'épidémie, le coronavirus continue de tenir le monde dans son emprise. Il n'y a pas de perspective immédiate de fin de la pandémie. Elle continuera à faire des ravages pendant un an ou plus. Le nombre d'infections est de plus de 25 millions dans le monde, avec 857 000 décès. D'ici la fin septembre, il sera de 1 million. Les dégâts sociaux, économiques et sanitaires causés par le virus dans les pays et continents les plus pauvres, comme l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine, sont colossaux.

Selon le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies, 265 millions de personnes dans le monde pourraient se retrouver au bord de la famine d'ici la fin de 2020.

Une nouvelle normalité s’installe

Les stratèges du capitalisme sont déboussolés. La seule chose qu’ils ont pu faire est d’injecter des sommes astronomiques dans l’économie pour la maintenir à flots. L’économie de marché survit en très grande partie grâce à l’aide de l’Etat. La dette publique s’accumule à un niveau rarement atteint. Malgré ces mesures exceptionnelles, le monde s’enfonce dans la récession. L’économie des Etats-Unis a chuté de près d’un tiers durant le deuxième trimestre de l’année. Au Japon, l’économie s’est contractée de 27,8% pendant la même période. Il s’agit de la contraction plus forte jamais répertoriée. L’économie de l’Inde, s’est réduite de 23,9% d’avril à juin.

Des millions de personnes perdent leur travail pendant que les bourses, de façon tellement obscène, sont à la fête. Partout les indicateurs boursiers passent du rouge au vert depuis quelques semaines. De New York à Tokyo en passant par Bruxelles, les spéculateurs profitent de l’aubaine. Le MSCI World Index, qui mesure la performance des marchés boursiers de pays économiquement développés a connu un bond de 6,6% au mois d'août, le plus grand bond en 44 ans.

Ceci n'est pas une crise capitaliste normale. Avec des contradictions exacerbées par la pandémie, le système capitaliste a atteint ses limites. Il n'y aura pas de rebond rapide. Au contraire, le décor est planté pour une longue dépression. Quelque soit le répit possible, il sera de courte durée. L'investissement, la pierre angulaire du système, s'est effondré, tout comme la consommation. Tout comme en 2008, le patronat et les gouvernements feront payer la crise au salariat et aux petits indépendants. Après des années d'austérité et d'attaques, cela provoquera une opposition généralisée. Toutes les illusions passées d'un progrès sans fin sont parties en fumée. Les remous aux États-Unis suite à la mort de George Floyd aux mains de la police montrent qu'un état d'esprit insurrectionnel s'y est développé. Au moins 10% de la population a participé aux manifestations Black Lives Matter, et une partie encore plus grande les a soutenues.Une autre personne noire, Jacob Blake, a été récemment abattue par la police à Kenosha, Wisconsin, ajoutant de l'huile sur le feu. Deux autres ont été tuées par un suprémaciste blanc dans la même ville. « L'Amérique est enfermée dans une spirale dangereuse », a commenté, la revue d’affaires, The Economist. Peu importe celui qui remportera la présidence en novembre : plus rien ne sera comme avant. C'est une confirmation du caractère révolutionnaire de l’époque dans laquelle nous sommes entrés. 

Développements révolutionnaires

Les manifestations de masse au Liban, dans le prolongement de celles de la fin de l'année dernière, ont de nouveau contraint un gouvernement à démissionner. C'est un développement révolutionnaire. Des manifestations de masse ont même secoué Israël, exigeant le renversement du gouvernement de Netanyahu. Et des événements dramatiques - bien que contradictoires - se déroulent en Biélorussie, la classe ouvrière se dirigeant vers une grève générale. Partout, il y a une instabilité chronique. Même en Grande-Bretagne, le soutien au gouvernement conservateur s'est effondré en l'espace de quelques mois. Le pays se dirige maintenant vers un Brexit sans accord, avec des conséquences désastreuses - non seulement pour la Grande-Bretagne, aussi pour l'Europe. Après l’Irlande, la Belgique, en particulier la Flandre, sera la plus touchée par un Brexit « dur ». « Les six mois à venir pourraient bien déterminer le sort de M. Johnson », a écrit le Financial Times. Les explosions sociales seront à l'ordre du jour en Grande-Bretagne, comme ailleurs. Tout ce que le capitalisme peut offrir à la classe ouvrière, c'est le chômage de masse, la baisse du niveau de vie et les attaques. Voici les ingrédients pour une exacerbation de la lutte des classes.  Même le Financial Times a évoqué les perspectives de « troubles sociaux généralisés, sinon de révolution ». Ils ont tiré les mêmes conclusions - quoique du point de vue de la classe opposée - que les marxistes !

Pour la politologue Louise Knops (VUB), experte en mouvements sociaux, la crise sanitaire n’était qu’un « tour de chauffe ». « Le fossé entre élites et citoyens s’est encore creusé, avec des conséquences qui s’annoncent désastreuses. Une partie de la population risque de basculer dans une forme de contestation plus dure » (Le Soir, 21 août 2020).

Crise de la direction 

Ces événements massifs préparent un changement rapide de conscience. Il existe déjà une remise en question généralisée du système capitaliste. Ceci est particulièrement vrai chez les jeunes, qui n'ont connu qu'une vie d'austérité et de crise. Cette situation prépare un virage massif vers la gauche. Sous le capitalisme, il n'y a pas de solution aux problèmes de la classe ouvrière. Mais le capitalisme ne quittera pas la scène de lui-même. Il devra être renversé. Les opportunités révolutionnaires ne manqueront pas, comme nous l'avons déjà vu.  Cependant, une véritable direction révolutionnaire fait défaut. Les dirigeants syndicaux, ceux du PS et du sp.a, s’accrochent aux illusions du passé. Ils sont un frein au progrès de la lutte des classes. Même les dirigeants à gauche de la social-démocratie préfèrent faire des compromis, car ils n’ont aucune perspective de changer la société. Ils se font des illusions sur la réforme du capitalisme, ce qui n'est pas possible. Aucun correctif ne résoudra le problème. Le PTB/PVDA cristallise les espoirs de changement social radical en Belgique. Malgré sa grande combativité et ses propositions pertinentes, il ne place pas la nécessité d’une révolution socialiste au centre de son activité.  Il y a donc une crise de la direction politique du mouvement ouvrier. Ce qu'il faut, c'est une direction prête à aller jusqu'au bout. Cela souligne l’urgence de construire les forces du marxisme - les seules forces qui soient prêtes à faire face à ces réalités. Le marxisme n'a jamais été aussi pertinent que maintenant. Nous appelons les travailleurs et les jeunes à se joindre à nous dans cette tâche : préparer le terrain pour la transformation socialiste de la société, en Belgique et dans le monde.