Ces derniers semaines le monde sanitaire et des soins en France est bouleversé par la publication d’une enquête sur les conditions de vie des résidents en EPHAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgés dépendantes) [le terme qu’on utilise en France pour les maisons de repos] qui raconte aussi à quoi sont confrontées les travailleuses (dans le secteur du soin la plupart des salariés sont des travailleuses).

Le livre de Victor Castanet, Les fossoyeurs (ed.Fayard) est une enquête accablante sur ce qui vivent des millions de personnes en France en Belgique (et ailleurs) dans les homes pour personnes âgés. Publié en janvier il a fait le buzz pendant des semaines gagnant la une des journaux au depens du COVID ou la guerre en Ukraine.

Le livre est une enquête sur Orpea, le premier groupe privé au monde de maisons de repos. Orpea est un groupe privé français fondé en 1989 par le neuropsychiatre Jean-Claude Marian. L'entreprise gère une chaîne d'Ehpad privés, de maisons de retraite, etc. C’est un réseau de 1 156 établissements et 116 514 lits dans 23 pays, principalement en Europe, coté en Bourse depuis 2002. Même si l’auteur lance au début du livre un avertissement en nous expliquant qu’il ne met pas la gestion privée en cause, les 300 pages suivantes sont une condamnation de la logique marchande dans les soins de santé.

Cette enquête sur un groupe particulier ne veut pas dire non plus que les autres géants du secteur comme Korian (avec 136 millions de chiffre d’affaires en France) ou Armonea en Belgique ont des pratiques différentes. La logique du profit reste la même.

Dans le livre on apprend, à la fin, que Orpea n’a même pris pas la peine de répondre aux questions du journaliste et l’a redirigé vers une boîte de communication dont la tâche est d’amortir la chute de la bourgeoisie et ses représentants (comme Carlos Ghosn ou François Fillon) pour que la chute soit moins douloureuse. Dans le capitalisme même la mauvaise image est un business !

On le savait

Et pourtant Orpea n’en est pas à son premier scandale. Au Mans, en novembre 2016, des salariés de l'établissement « Les Sablons » pointaient des conditions de travail « exécrables ». En décembre 2016, France 3 Alsace faisait état de soupçons de maltraitance dans la maison de retraite de l'Aar, située à Schiltigheim. La liste est longue. Même en Belgique, Dans un documentaire Investigation de la RTBF de l’année passée on nous montrait exactement la même situation en Wallonie. Le livre revient sur ses cas, mais se focalise sur la maltraitance à la maison de repos la plus cher du groupe (Bords du Seine) l où le prix à payer s’élève à 5000 euros par mois ! C’est là où vont les parents des politiciens, des stars de la musique et des hauts fonctionnaire… eux non plus ne sont pas épargnés... voilà la logique du profit. La direction de l'établissement a nié tout dysfonctionnement bien évidement. Le livre nous raconte comment pendant le COVID le groupe a payé une prime de 200€ au personnel et s’est organisé avec le syndicat du groupe (le syndicat jaune) pour donner l’impression que se sont les syndicats qui n’organisent pas de grèves qui réussissent à améliorer la vie des travailleurs.

Face à l’ampleur du scandale, la plupart des candidats à l’élection présidentielle française se sont exprimés et même le gouvernement s’est vu contraint de réagir. Le 2 février l’Elysée publiait un communiqué de presse dans lequel il fustigeât le ‘cynisme des dirigeants d’Orpea et promettait ‘de taper fort en lançant une double enquête administrative et financière. Les syndicats ont manifesté au mois de mars et en avril en France.

Le vrai problème se trouve dans la saturation des maisons de repos publiques, en Belgique, en France et ailleurs. Les taux de saturation sont au-delà du 95%. Pour des milliers de familles qui sont dans l’incapacité de prendre soin d’une personne dépendante trouver une place c’est déjà avoir de la chance… que cette place soit publique ou privé, c’est un luxe ! Ainsi la fin de la vie devient un marché très lucratif et très captif.

Comme le relate une des travailleuses dans l’enquête ‘tout était bon pour se faire du pognon’. Le linge, la nourriture, les visites médicales, la coiffure… tout est surévalué pour avoir un bénéfice maximal. Voici la logique du système capitaliste poussé jusqu’à la mort.

Ce livre doit être lu par tout activiste social et syndical mais aussi il faut s’en emparer pour interpeller nos organisations, pourquoi ne demande-t-on pas la nationalisation et municipalisation des maisons de repos des soins de santé ? Ici on ne parle plus d’une entreprise ‘méchante’ mais bien du fait que c’est le système de profit et ses actionnaires qui mènent à ces abus! Pour un système public des maisons de repos sous planification et contrôle des travailleurs et des familles !