C'est une course contre la montre. Non, il ne s'agit pas d'une étape du Tour de France mais d'une lutte mondiale contre le changement climatique. Terrible nouvelle : l'impact destructeur du réchauffement de la planète se fait sentir plus rapidement et avec une ampleur pire que prévue. Un exemple parmi d’autres : le permafrost dans le nord du Canada dégèle 70 ans plus tôt que ce qui avait été annoncé (1) ; la fonte de cette couche supérieure gelée libère une très grande quantité de gaz à effet de serre tels que le méthane et le CO2, ce qui va amplifier les conséquences du dérèglement climatique.

Le rythme s’accélère 

Dans un rapport récent, les Nations Unies préviennent également que les "pays en développement " supporteront 75 à 80 % des conséquences humaines et environnementales du changement climatique. En raison des pillages impérialistes qu'ils subissent, ils ne disposent pas de l'infrastructure nécessaire pour faire face aux conséquences du chaos qui s’annonce. Les Nations Unies soulignent le risque d'un apartheid climatique, avec " des riches qui paient pour échapper à la grande chaleur, à la faim et aux conflits et le reste de la population qui souffre". Ce sont donc les plus pauvres qui souffrent le plus : le changement climatique aggrave les inégalités sociales.

Ces dernières semaines, nous avons également vu comment le " poumon vert de la planète ", la forêt amazonienne, est en feu dans de nombreux endroits. Jusqu'à présent, 74 000 incendies ont été enregistrés, soit presque deux fois plus que l'an dernier. Or la forêt tropicale constitue un « puits de carbone », qui absorbe des milliards de tonnes de CO2 chaque année : les incendies actuels détruisent donc une sorte de « tampon » fondamental pour lutter contre le dérèglement climatique.

L'apartheid climatique

Selon la Banque Mondiale, une augmentation de 2 % de la température mondiale fera basculer 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté chaque année, tandis que 100 à 400 millions seront menacées de famine, et que 1 à 2 milliards n'auront pas accès à l'eau potable ; les récoltes seront également réduites d'un tiers.

Mais les "grands de ce monde " réagissent à peine. Soit ils nient le problème, soit ils le minimisent et agissent comme si de rien n'était. Les grandes entreprises continuent de polluer et les gouvernements se rendent complices de ces crimes : les entreprises qui produisent des combustibles fossiles continuent de recevoir des subventions massives s'élevant à 5.200 milliards de dollars par an. Cela représente 6,3 % de la production mondiale de biens et services. (2)

Passivité

Les conférences internationales sur le changement climatique se succèdent, mais les actes manquent. Les beaux discours ne sont pas suivis d’actions efficaces. Pourquoi les politiques ne font-ils rien ou pas assez ? La raison première de cette aveuglement est la recherche du profit. Les chefs d'entreprise, les partis traditionnels et les gouvernements ne voient des solutions qu’au sein de l'économie de marché. Les Nations Unies, institution peu connue pour ses positions révolutionnaires, sont récemment arrivées à la conclusion que le changement climatique est la faute du marché (3). En d'autres termes : le capitalisme, en tant que système qui subordonne tout à la recherche du profit et transforme tout en marchandise, est responsable.

Manifestations des jeunes

Partout sur la planète, des jeunes ont protesté contre le statu quo. En Belgique, les actions se sont succédées depuis le début de l'année : vingt jours de grèves et trois grandes manifestations climatiques en six mois, c'est un exploit. Avant l’été 2019, jamais la protestation contre le changement climatique n'avait été aussi intense et massive en Belgique. De nombreux participants ne veulent plus se limiter à des changements de comportement individuels, de petits "éco-gestes". Ils veulent un " changement de système". De nouvelles organisations ont vu le jour : Youth for Climate (Y4C), Students For Climate, Teachers for Climate, Workers for Climate. Ces organisations sont en grande partie informelles et n'organisent pas (encore) les jeunes d'une manière large et démocratique comme dans d'autres pays (par exemple en Suisse ou en Italie). D'autres groupes plus radicaux ont fait leur apparition, comme Extinction Rebellion et Génération Climat. Certains syndicats se sont joints aux manifestations et ont rejoint les étudiants ; d'autres sont plus frileux et n'ont fait preuve que d'une solidarité minimale à l'égard de la manifestation des jeunes. Les nombreux militants de ces syndicats qui soutiennent les manifestations doivent donc s'organiser pour obtenir un mot d’ordre de grève, sans ambiguïté.

Nouvelle grève mondiale pour l'avenir

Le 20 septembre, une nouvelle grève internationale est prévue dans 150 pays et 4000 villes différents. Il faut tout mettre en œuvre pour en faire un succès. Jusqu'à présent, les figures médiatiques, comme Anuna DeWever, ont essayé de cultiver le caractère 'apolitique' du mouvement. C'est évidemment une position intenable, car fausse. L'orientation que prend la manifestation, les mesures proposées pour résoudre le dérèglement climatique et les points de soutien dans la société recherchés par le mouvement sont des questions extrêmement politiques. C'est ce qu'on appelle la stratégie, la tactique et le programme. Le mouvement doit donc se politiser. Cette politisation devra venir 'd'en bas'. Ce sont les milliers d'activistes locaux qui devraient en prendre l'initiative et insuffler une vision plus radicale et anticapitaliste de l'écologie. Dans le cas contraire, la pression des médias et de l'establishment marquera l’orientation du mouvement, ce qui est déjà le cas, en grande partie. La " politique " de Y4C et des autres organisations doit donc être discutée et décidée de manière ouverte et démocratique. Pour l'instant, ce n'est pas encore (ou très peu) le cas. Nous pensons que cette démarche doit commencer par la mise en place de comités d'action dans les écoles mêmes, qui rassembleront ensuite des représentants démocratiquement élus et révocables à tout moment au niveau d'une ville, puis au niveau national.

L'entreprise, problème ou solution ?

Dans un entretien accordé à la presse cet été, Anuna DeWever espère que le monde des affaires agira pour résoudre les problèmes climatiques. "De nombreuses entreprises ont signé notre pétition Sign for My Future pour une politique climatique plus ambitieuse. Avec notre groupe d'experts sur le climat, nous avons dressé une liste de mesures concrètes pour les entreprises qui veulent faire un pas vers la neutralité CO2. Si le monde politique n'est pas assez mûr pour prendre des mesures, les entreprises comprendront, espérons-le, qu'il faut faire quelque chose."

Pour nous, "les entreprises ", c'est-à-dire l'économie capitaliste, font partie du problème et non de la solution. Avec une telle orientation politique, la protestation contre le changement climatique va droit dans un mur. Plus que jamais, la lutte contre le climat et la lutte générale contre la dégradation de la nature est une lutte contre le capitalisme.

Pas de confiance dans la N-VA et le VB

Dans le même entretien, Anuna DeWever lance un appel à ce que la N-VA et le Vlaams Belang deviennent des 'leaders climatiques'. C'est une position totalement erronée. Ces partis ne seront jamais nos alliés : tous les jours, ils distillent racisme, nationalisme et idées d'extrême droite au sein de la société. Ce sont nos ennemis. Les lâches attaques contre Anuna De Wever et ses amis au festival Pukkelpop, perpétrées par des jeunes du Vlaams Belang, l'ont clairement démontré.

'Extinction' ou socialisme

Le 20 septembre devrait sonner un nouveau départ pour la protestation contre le changement climatique. Les syndicats qui se joignent à la grève devront, à notre avis, faire cette fois plus que 'libérer' leurs affiliés pour participer aux manifestations. Les enjeux sont très importants. Et c'est pour cette raison que la "résistance de masse " appelée de ses vœux par la Global Strike for Climate doit être d'un tout autre calibre qu'auparavant. Une véritable grève de masse doit avoir pour objectif de mettre les entreprises à l'arrêt, parce que le choix qui s'offre à nous est "l'extinction" ou… le sauvetage de la planète et de l'humanité par une révolution socialiste.

 

1) https://www.theguardian.com/environment/2019/jun/18/arctic-permafrost-canada-science-climate-crisis 

2) https://reneweconomy.com.au/global-fossil-fuel-subsidies-reach-5-2-trillion-and-29-billion-in-australia-91592/

3) Rapport of the Special Rapporteur on Extreme Poverty and human rights – 25 juin 2019