Depuis quelques semaines, un peu partout en Belgique francophone, le monde étudiant semble entrer en mouvement.

Le 19 février, la Fédération des Etudiants Francophones (FEF) annonçait le lancement d’une campagne de mobilisation contre la précarité étudiante sur base d’un programme progressiste. Elle organise une première action le 11 mars. Quelques semaines plus tôt, des étudiants à Liège ont lancé le mouvement « Etudiants en lutte » pour revendiquer de meilleures conditions d’étude et lutter contre la précarité étudiante. Tout récemment, le lundi 22 février, par suite de l’appel de l’Union Syndicale Etudiante, 500 étudiants se sont rassemblés sur le campus de l’ULB pour lutter contre l’isolement et la précarité étudiante. Des rassemblements de ce type auront lieu tous les lundis.

Si tous ces mouvements ne sont pas (encore) liés, ils expriment la même colère générale contre la manière dont la crise engendrée par le Covid-19 a été gérée dans l’enseignement supérieur. Deux thématiques centrales sont ciblées : la précarité étudiant, et la santé mentale.

La crise du Covid a aggravé la situation économique et mentale des étudiants. Selon les chiffres de la FEF, aujourd’hui, 80 000 étudiants sont en précarité objective1. En décembre, un article de la RTBF indiquait que 90 000 étudiants avaient perdu leur job2. Quant à la question de la santé mentale, une étude d’UMons montre que la proportion de jeunes adultes (19-25 ans) en dépression lors de la deuxième vague se situe entre 62 et 80%3.

Tous ces mouvements disent, à raison, qu’on obtiendra une amélioration de nos conditions de vie et d’études uniquement si on se mobilise. Mais comment rendre ces mobilisations victorieuses, et sur base de quel programme ?

Le présentiel et le distanciel

La lutte pour la santé mentale des étudiants ne doit pas être opposée à la lutte contre la pandémie de coronavirus. Il ne faut pas opposer présentiel et distanciel. C’est surtout la manière dont le distanciel a été organisé qui est à critiquer.

Par conséquent, la revendication de la réouverture des universités doit s’accompagner de revendications sur un cadre sanitaire strict, sous le contrôle des étudiants et du personnel. Un système de roulement peut par exemple être mis en place pour permettre à tous les étudiants d’avoir des cours en présentiel tout en limitant le nombre d’étudiants sur le campus.

Pour permettre ce retour, nous pensons qu’il faut aussi appeler à la réquisition des bâtiments vides (bureaux, salles de cinéma, …) pour avoir plus de locaux et des locaux plus grands pour les cours.

Il faut aussi que les cours donnés en présentiel restent accessibles en distanciel pour les étudiants ne pouvant pas se déplacer sur le campus pour des raisons sanitaires, ou parce qu’ils n’ont pas renouvelé leur kot.

Pour les cours qui resteraient en distanciel, on doit expliquer qu’une heure de cours en distanciel n’est pas une heure de cours en présentiel. Suivre des cours sur ordinateur est plus difficile et plus fatiguant que lorsqu’on est en auditoire. C’est pour ça qu’il faut une diminution de la matière et des heures de cours en distanciel.

En outre, beaucoup d’étudiants peuvent avoir des difficultés à suivre les cours en distanciel par manque de matériel ou de place. Des ordinateurs portables doivent être fournis à tous les étudiants qui en ont besoin, ainsi qu’un lieu près de chez eux où les risques de contamination sont nuls. Il y a énormément de bureaux et de logements vides sur lesquels des investisseurs spéculent. On doit appeler à leur nationalisation sans dédommagement sous le contrôle des étudiants et du personnel de l’université.

Crise de la santé mentale et pauvreté : quelles revendications ?

Face à la crise de la santé mentale, nous soutenons évidemment la revendication du remboursement total des soins de santé mentale. Cependant, si les consultations psy peuvent être utiles, elles ne vont pas à la racine du problème. La société actuelle engendre une mauvaise santé mentale. La crise du Covid n’a été qu’un révélateur et un accélérateur de cette crise. L’origine de la mauvaise santé mentale est à trouver dans le capitalisme et ce qu’il engendre : pauvreté, précarité, aliénation, oppressions… Par conséquent, nous soutenons les revendications suivantes :

  • Gratuité de l’enseignement supérieur : annulation du minerval et remboursement de la totalité du matériel nécessaire pour suivre les cours.
  • Pour une université publique, sous le contrôle du personnel et des étudiants.
  • Les loyers des kots de cette année doivent être annulés
  • Construction massive de logements publics de bonne qualité pour les étudiants
  • Des restaurants universitaires publics à bas prix sous le contrôle des étudiants
  • Un salaire étudiant à la hauteur du salaire minimum

Cependant, toutes ces revendications ont un coût. Ce ne sont pas les travailleurs qui doivent payer, mais les capitalistes. De plus, s’il est possible d’arracher ces droits, nous pensons qu’ils ne peuvent pas être sécurisés dans une société capitaliste. En effet, dès que le gouvernement en aura l’occasion, il reviendra dessus. C’est pour cela qu’on pense qu’il faut lier avec des mots d’ordre anticapitalistes :

  • Expropriation des banques et des grandes entreprises, sous le contrôle démocratique de l’ensemble de la population, pour financer les mesures ci-dessus

De son côté, l’université pourra nous dire qu’il n’y a pas les moyens pour telle ou telle mesure. C’est pour ça que nous pensons aussi qu’il faut revendiquer :

  • Le contrôle des étudiants et du personnel sur toutes les décisions financières de l’université, comme premier pas vers la gestion de l’université par les étudiants et le personnel.

Ces revendications ne pourront être acquises que par la lutte. Et ça, le mouvement étudiant l’a compris. La FEF, étudiants en lutte, ou encore l’USE le disent : on arrachera des nouveaux droits qu’en se mobilisant. Mais comment faire pour que ces luttes soient victorieuses ?

Comment gagner la lutte pour ces revendications ?

Tout d’abord, nous pensons que le mouvement étudiant doit se lier au mouvement ouvrier et syndical ; d’abord avec les travailleurs sur le campus, et puis avec l’ensemble du mouvement ouvrier. Dans cette société capitaliste, les travailleurs sont la seule force sociale capable de bloquer entièrement toute activité économique. Pas une ‘roue ne tourne’ sans son accord. Par conséquent, c’est la seule force qui est capable de changer radicalement la société.

Ensuite, on doit s’organiser en assemblée générale délibérative d’étudiants et de travailleurs pour discuter et décider démocratiquement d’un programme et d’un plan d’action pour étendre la mobilisation. Pour pouvoir organiser le mouvement à un niveau national (ou communautaire), on doit élire un comité de mobilisation révocable à tout moment qui aura pour mission de faire en sorte que les décisions des AG soient appliquées et d’étendre la mobilisation en entrant en contact avec les étudiants des autres régions.

1 La FEF a livré ces chiffres lors de son action le 19 février

2 https://www.rtbf.be/info/economie/detail_coronavirus-en-belgique-le-coronavirus-a-detruit-le-job-de-90-000-etudiants

3 https://www.lalibre.be/planete/sante/coronavirus-anxiete-et-depression-atteignent-des-niveaux-preoccupants-chez-les-jeunes-adultes-6030ae0cd8ad5809d08c88bf

 

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