Cela devait arriver. Après des mois de provocations et d’attaques des patrons contre la prépension, le pouvoir d’achat et l’organisation du travail, la patience des dirigeants syndicaux a pris fin. Les travailleurs, eux, avaient déjà perdu patience depuis longtemps.

Cela devait arriver. Après des mois de provocations et d’attaques des patrons contre la prépension, le pouvoir d’achat et l’organisation du travail, la patience des dirigeants syndicaux a pris fin. Les travailleurs, eux, avaient déjà perdu patience depuis longtemps.

Cela se ressentait lors de la manifestation à Charleroi la semaine passée, quand 8000 travailleurs ont manifesté de façon combative. A la tête de la manif, les ouvriers de AGC Automotive, l’ancienne Splintex qui mènent une grève contre le licenciement d’un tiers de leurs collègues. ‘Trop c’est trop. Respectez les travailleurs !’ scandaient-ils.

En néerlandais et en français : ‘Te veel is te veel, trop c’est trop!’.

Aujourd’hui, dans la manifestation, nous serons nombreux à crier la même chose en français et en néerlandais. C’est d’ailleurs la première fois que les syndicats appellent à une manifestation nationale en pleine négociation pour un Accord Interprofessionnel. Cette manifestation est le résultat de la pression de la base. Le patronat est naturellement furibond. Toute la presse attaque les dirigeants syndicaux pour leur ‘irresponsabilité’. Mais après avoir encaissé tant de coups les derniers mois cela aurait été irresponsable de ne pas réagir.

Car l’enjeu est grand. Le patronat ne veut pas accorder d’augmentation salariale pour les deux prochaines années, à part celles liées à l’index et aux barèmes. Mais pour les employés les patrons ne prévoient même pas d’augmentations barémiques. Pourtant la situation n’est pas si mauvaise que cela. La croissance de l’économie belge sur les deux dernières années est la plus vigoureuse d’Europe.

Les profits des entreprises ont doublé

Les ‘Quatre Sœurs’, c’est à dire les quatre plus grandes banques du pays ont enregistré à la mi 2004 un bénéfice net de 4,4 milliards d’euro. Une augmentation de 69 % par rapport à l’année précédente. Mieux encore : selon la revue Trends Tendances les 30.000 entreprises les plus importantes de Belgique ont doublé leurs bénéfices par rapport à 2002 pour atteindre 27,8 milliards d’euros. Après cela ils osent encore nous dire qu’il n’y a pas de marges pour des augmentations salariales.

Le patronat veut plus de travail flexible. Il veut ajouter 180 heures supplémentaires par an et par travailleur sans négociation avec la délégation syndicale. « Cela revient à introduire ‘par la bande’ la semaine des 40 heures », dit à juste titre le dirigeant de la CSC Luc Cortebeeck. Mais la Belgique est déjà un des pays les plus flexibles.

Les patrons refusent aussi de prolonger la prépension au-delà du mois de juillet de l’année prochaine. Ils veulent attendre les discussions avec le gouvernement qui débuteront en janvier. Nous savons tous que les plans du gouvernement visent à démanteler la prépension. Le gouvernement et les patrons travaillent main dans la main.

Les gens, au sein des entreprises, mais aussi en dehors de celles-ci, en ont assez des ces attaques incessantes : licenciements massifs, chasse aux chômeurs, privatisations des services publics, augmentation de la pression au travail, des horaires de travail ainsi que des salaires et des allocations sociales qui ne sont pas à la hauteur. Cette situation explique pourquoi différents secteurs des services publics, qui ne sont pas directement concernés par les négociations interprofessionnelles, sont aussi de la partie et ont appelé à des actions aujourd’hui. Le personnel du secteur non marchand manifestera aussi avec nous.

Il faut changer de stratégie syndicale

L’Unité a toujours plaidé pour que les négociations pour un accord interprofessionnel ou dans les secteurs soient appuyées par une mobilisation effective de la base afin de modifier les rapports de forces. Discuter sans avoir un bâton dans le dos ne sert à rien. Cette mobilisation est maintenant engagée. Mais nos dirigeants syndicaux ne peuvent pas s’arrêter à mi-chemin dès lors que le patronat montrerait sa ‘bonne volonté’. Cette fois-ci il ne peut plus être question de se contenter de quelques miettes. Un mauvais accord interprofessionnel mettrait un frein aux négociations sectorielles. Le patronat et ses amis au sein du gouvernement en profiteraient pour manœuvrer et nous démobiliser.

La concertation pour la concertation, un accord pour la seule raison d’avoir un accord, cette politique on ne peut plus l’accepter. Les patrons ne sont pas des ‘partenaires’ comme on veut nous le faire croire mais des adversaires sur le front social. Le modèle social belge n’est utile aux patrons que s’ils en tirent profit. La concertation sociale n’est pas une question de principe pour les patrons. Aussi longtemps que nos dirigeants syndicaux ne comprendront pas cela nous continuerons à être roulés dans la farine.

Le point de départ de nos syndicats doit être la défense inconditionnelle des intérêts des travailleurs sans tenir compte des intérêts des patrons. Le patronat défend les intérêts capitalistes d’une petite minorité, nous par contre avec nos syndicats nous prenons la défense des intérêts sociaux de la majorité de la population. Le syndicalisme de combat qui s’appuie sur la mobilisation, l’information et la participation des salariés et qui ne se base pas sur les seules structures de concertation est le mieux adapté aux nouveaux défis.

A la fin de la manifestation nous serons nombreux à nous demander : que fait-on maintenant ? Quel est le prochain pas?

L’Unité propose de préparer tout de suite après cette manifestation une véritable grève de 24 heures pour le mois de janvier. C’est la meilleure réponse que l’on puisse donner aux patrons.

Un meilleur cahier de revendications pour les syndicats

• pas de modération salariale. Le salaire minimum doit augmenter d’au moins 10% tout comme les allocations sociales
• le ‘pétrole’ à nouveau dans l’index. Plus d’index lissé.
• Stop aux heures supplémentaires. Stop à la flexibilité. Diminution de la semaine de travail à 35 heures sans perte de salaire et embauches compensatoires en tant que premier pas vers les 32 heures.
• La prépension doit être maintenue à partir de 55 ans et à partir de 52 ans dans les entreprises en restructuration.
• Pension complète à 60 ans après 40 ans de travail.
• Nous devons lutter pour chaque emploi. Nos emplois ne sont pas à vendre.
• Pas de privatisation ou de découpage de la Sécu.
• Pour le refinancement de tout les services publics.

Ceci doit pouvoir être financé par les profits massifs des entreprises. La nationalisation des banques et du monde des finances sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs est un premier pas dans ce sens.

Un référendum des affiliés sur un éventuel accord

Aujourd’hui c’est clairement la base qui pousse les mobilisations. C’est pour cela que les dirigeants syndicaux doivent consulter la base avant de signer un nouvel accord avec les patrons. C’est comme cela qu’aux Pays Bas les syndicats ont consulté leurs affiliés après que ceux-ci aient été informés lors d’assemblées. Le mieux serait de débattre de l’accord dans des assemblées générales sur les lieux de travail pendant les heures de travail et de voter ensuite.

Que font les dirigeants du PS et du SP.a pour nous au sein du gouvernement ?

La question mérite d’être posée : est-ce qu’en tant que travailleurs nous avons un allié au sein du gouvernement ? La déclaration gouvernementale de Verhofstadt II est claire : le système de prépension et de pension doit être démantelé. Les plans du gouvernement agissent en harmonie avec le cadre capitaliste de l’Europe. Les ministres socialistes participent à ce travail. S’ils veulent vraiment s’occuper des intérêts des travailleurs et des allocataires sociaux comme ils le prétendent, les dirigeants socialistes doivent s’engager dans une vraie opposition contre toutes ces mesures qui attaquent la sécurité sociale, les prépensions, les conditions de travail et donc la qualité de vie.

Au sein du capitalisme il n’est pas possible de trouver de solutions à terme pour les travailleurs et leurs familles. Chaque revendication économique et sociale est bloquée par un système basé sur la recherche individuelle de profit d’un petit groupe de banquiers et ‘d’entrepreneurs’. Pour cette raison notre lutte ne peut se limiter à mettre en avant telle ou telle autre revendication sociale, mais bien de viser une transformation profonde du capitalisme vers une société socialiste. Dans le socialisme l’économie ne fonctionnerait plus pour la recherche effrénée de profit mais pour la satisfaction des besoins sociaux de la majorité grâce à une économie planifiée et nationalisée sous le contrôle et la gestion des travailleurs.