Oubliez les fleurs blanches et les arnaqueurs des bords de route. Oubliez ladite « fête du Travail ». Oubliez ce qu’ont fait du 1er mai le capitalisme, la social-démocratie moderne et les fascistes.

La tradition du premier mai s’est forgée dans le sang de la classe ouvrière au prix de nombreux martyrs et condamnés, toutes et tous animés par des idéaux révolutionnaires et socialistes.

Les origines de cette journée de lutte internationale

Depuis – très – longtemps existe des « fêtes de mai » dans l’histoire de l’humanité. Le bon temps et le printemps en sont les premiers responsables. Mais à mesure que la classe ouvrière se mit elle aussi à bourgeonner et fleurir dans l’histoire, elle amena avec elle son lot précieux de revendications émancipatrices et progressistes.

Ainsi l’histoire bien connue de Haymarket Square montre à quel point, dès le début, cette journée de revendication pris une tournure de révolte syndicale :

Le 1er mai 1886, une grève générale prend place aux USA et 340 000 travailleurs manifestent un peu partout pour réclamer la journée de travail de 8 heures. La tension monte encore d’un cran lorsque le 3 mai à Chicago, le patron de l’usine de machines agricoles McCormick veut licencier les salariés syndiqués à l’initiative des événements dans la région. Le patron fit appel aux policiers qui chargèrent et tuèrent plusieurs ouvriers, en blessant beaucoup d’autres. Le lendemain soir se tint une marche suivie d’un meeting de protestation à Haymarket Square. Des heurs éclatèrent avec la police sur place et une bombe, lancée par on ne sait qui exactement, possiblement par un provocateur, explosa à proximité des policiers qui ouvrirent le feu. Le bilan fut lourd : au moins 7 morts de chaque côté.

La police arrêta des figures du mouvement ouvrier, huit syndicalistes et anarchistes, sans aucune preuve et pour l’exemple. Quatre d’entre eux furent exécutés l’année suivante, un se suicida en prison et trois autres furent libérés quelques années après, devenant tous des martyrs pour plusieurs générations d’ouvriers et d’ouvrières en lutte à travers le monde. Ni oubli, ni pardon.

Juste après la diffusion de la nouvelle des exécutions de Chicago, en 1888, les travailleurs de Livourne en Italie se retournèrent d'abord contre les navires américains ancrés dans le port, puis contre le siège de la police, où s’était possiblement réfugié le consul américain.

Un déchainement de répression

Selon de nombreuses sources d’époque, « bon nombre des “huit de Chicago” n’étaient même pas présents lors de l’événement du 4 mai, et leur implication présumée n’a jamais été prouvée. ».

La vérité fut rétablie en 1893 par le gouverneur de l’Illinois, John Peter Altgeld. Il indiquera que « la plupart des preuves présentées devant le procès étaient des faux purs et simples » et que les témoignages à charge avaient été extorqués à des hommes « terrorisés » que la police avait « menacé de tortures s’ils refusaient de signer ce qu’on leur dirait » (Frank Browning, John Gerassi, Histoire criminelle des États-Unis).

Les discours de haine, colportés par la presse et la classe dominante, ont condamné des leaders syndicaux pour leur participation présumée à des actes criminels. Aujourd’hui encore, des traces de ce mépris et de cette justice de classe restent visibles dans nos sociétés, de même que les trop nombreuses répressions des mouvements sociaux et revendicatifs : des gilets jaunes aux luttes contre les réformes des retraites et l’austérité, en passant par les mouvements de soutien au peuple palestinien, …

L’internationalisation de cette journée

À la suite des événements, le mouvement ouvrier européen et l’Internationale Ouvrière (la deuxième internationale, sous l’impulsion de Jules Guesde et de son Parti Ouvrier) adoptèrent ce jour en commémoration des événements de Chicago, mais surtout comme une journée de revendication pour l’obtention des 8 heures de travail journalier.6 HD bi 762x1024

Cette revendication porta dans la rue nombre de travailleuses et de travailleurs durant des années. Mais la répression fit des morts également en Europe, notamment lorsque la police française, galvanisée par le dénigrement quotidien des syndicalistes et des révolutionnaires dans la presse bourgeoise de l’époque, ouvrit le feu sur les participants d’un rassemblement du 1er mai 1891 à Fourmies dans le Nord de la France.

Ce rassemblement avait avant tout un caractère festif et revendiquait également la journée des trois huit. Cela n’empêcha pas la police de tuer 9 personnes, dont deux enfants… et de faire 35 blessés parmi les manifestantes et manifestants… Ni oubli, ni pardon.

Malgré l’évidence de l’agression policière, la justice condamna en plus 9 personnes à des peines de 2 à 4 mois de prison pour « entrave à la liberté de travail » et pour « outrage et violence à agent et rébellion ». Des accusations qui ont persisté jusqu’à nos jours sous des formes légèrement différentes comme lorsque les grévistes de Delhaize ont été accusées d’entraver la bonne marche des profits de leurs patrons et actionnaires. Ou lorsque des syndicalistes, des militants et militantes se font arrêter pour avoir refusé d’obéir à une injonction de police dans la foulée d’un rassemblement revendicatif.

Cette journée de commémoration s’internationalisa encore davantage dans les années qui suivirent avec la formation des classes ouvrières un peu partout dans le monde.

Mumbaimaydayrally0645Ici une photo du premier mai à Mumbai en Inde.

Quelles leçons de ces événements pour aujourd’hui ?

Le capitalisme est toujours debout, mais l’idée du socialisme aussi ! comme disaient les survivants de la Commune. La journée des 8 heures fut certes adoptée grâce aux gigantesques mouvements sociaux d’après-guerre, mais le patronat depuis, profitant de la faiblesse de la direction du mouvement ouvrier international, se met à attaquer sérieusement nos conditions de travail. Il réintroduit ponctuellement l’idée de l’allongement de la journée de travail, en uberisant, en légiférant, en flexibilisant, en brisant les grèves défensives, en attaquant le droit de grève, en réprimant, …

Si les dirigeants actuels du mouvement ouvrier avaient encore l’audace et le courage des syndicalistes révolutionnaires des luttes du passé qui, animés par la perspective d’une sortie du capitalisme vers un monde socialiste, brandissaient haut et grand la banderole du progrès de la réduction collective du temps de travail, peut-être alors pourrions-nous mobiliser comme eux lors de grèves générales d’ampleur, pour des manifestations monstres, multi-sectorielles, vivantes, combatives et festives. Le 1er mai, comme le reste de l’année lorsque c’est nécessaire.

L’avenir du Premier Mai est aux mains de la masse des travailleurs et pas des bureaucrates syndicaux et réformistes qui en ont fait une rituelle journée de ‘marches’ et de ‘fêtes’. L’année passée, en France, 2 millions de travailleurs sont descendus dans les rues le premier mai. Cette journée était alors l’expression de leur combat contre le gouvernement de Macron. Voilà comment célébrer le Premier mai. C’est à nous de réhabiliter cette journée comme une journée de lutte révolutionnaire contre la nouvelle austérité qui va s’abattre sur nous et contre le capitalisme au-delà des frontières nationales.